DELL – Une stratégie d’affaires qui vieillit mal

L’entreprise de Michael Dell est une des grandes réussites du merveilleux monde des affaires de l’Amérique. Il avait 19 ans et 1000$ en poche lorsqu’il l’a fondée dans un dortoir de l’Université du Texas. L’an dernier, il a vendu plus de37 millions d’ordinateurs personnels. Sa part du marché mondial : 20% et 32% du marché américain. Sa plus grande innovation : la vente directe sans canaux de distribution physiques. Mais cet avantage compétitif indéniable qui a rendu possible cette croissance extraordinaire est aujourd’hui au cœur des problèmes de l’entreprise. Voici pourquoi ?

La raison fondamentale est que le modèle d’affaires n’a pas évolué alors que le marché a changé. Les forces de DELL se sont centrées sur trois axes : une chaîne d’approvisionnement ultra sophistiquée, des inventaires presque inexistants, absence de force de vente, lien direct avec le client et des prix défiant toute concurrence.

La direction DELL attribue ses déboires financiers récents (voir le graphique ci-joint) à des baisses de prix trop rapides et propose de poursuivre sa croissance en améliorant qualité et services à la clientèle. Les analystes avertis croient cependant que le mal est plutôt incrusté dans le modèle d’affaires. La chaîne d’approvisionnement sophistiquée de DELL n’est plus un avantage compétitif important car ses principaux rivaux l’ont adoptée, réduisant leurs coûts d’autant. Le deuxième problème vient du fait que la croissance vient maintenant surtout du marché de la consommation. Autant les acheteurs d’entreprises n’hésitent pas à acheter un produit qu’ils ne peuvent voir et toucher – ils représentent 85% du marché de DELL – autant les consommateurs aiment bien se rendre au magasin pour acquérir pareil produit. Sans compter la possibilité de pouvoir y retourner le produit défectueux. L’absence de DELL dans les points de vente, autrefois un avantage, est devenue un handicap.

C’est un handicap d’autant plus important que DELL est en voie de diversifier son offre de produits pour y inclure des appareils comme les téléviseurs. Des produits qu’on aime bien comparer en magasin avant de les acheter.

Les entreprises ont aussi modifié leur comportement. De plus en plus, elles achètent PC et portables dans le cadre de grands marchés négociés avec les intégrateurs comme IBM qui les vendent selon le principe du TCO (Total Cost of Ownership). L’avantage DELL en prend encore pour son rhume !

Dernier grand problème pour DELL : son entente exclusive avec Intel dont les puces sont particulièrement dispendieuses comparativement à celles de concurrents comme AMD parfois plus performants. D’après Gartner, la part de marché de DELL, pour la première fois, a légèrement régressé l’an dernier alors que celle de HP remonte.

Comme quoi aucune stratégie d’affaires n’est éternelle.